Secrétaire d’accueil

« Fédération des Aveugles et Amblyopes de france – Languedoc Roussillon, bonjour ? » Depuis février 2001, c’est principalement Audrey BRUNET qui prononce cette formule plusieurs dizaines de fois par jour au téléphone. Attention, tout de même, prêtez bien l’oreille pour ne pas commettre d’impair : Dominique TAURINES et Pascale PELLECUER peuvent également remplir cette mission de relier le reste du monde à l’Union. Nous croyons les connaître un peu, parce que leurs voix nous sont familières. Mais savons-nous vraiment en quoi consistent leurs tâches ? Interroger Audrey, c’est aussi en apprendre plus sur nos manières à tous, et parfois… sur notre absence de manières !

– Votre comptoir juste en face de l’entrée, c’est un vrai poste d’aiguillage ?…

– C’est vrai, et pas seulement pour la FAF-LR : également pour nos voisins de l’URIOPSS et d’UNIFAF, avec qui nous partageons l’immeuble, et même pour une partie des allées de Montmorency ! les personnes qui cherchent l’Équipement, l’Urbanisme, Bleu Hérault, etc. Le fléchage est tellement mal fait et notre perron se remarque si bien, que les gens montent, tirent la porte sans sonner et me demandent un renseignement ou un dossier qui n’a rien de commun avec le handicap visuel, sans même dire « bonjour » : ils sont tout surpris quand je leur apprends qu’ils sont à l’Union des Aveugles. Certains ne veulent pas me croire et je suis obligée de prendre à témoin mes collègues administratives. Un jour, en voyant mes deux gros écrans d’ordinateur, un monsieur à qui j’expliquais son chemin m’a demandé sérieusement : « Vous ne pourriez pas me montrer sur MAPPY ? (un site internet d’itinéraires) »… comme si on me payait pour cela.

– Votre mission principale reste le premier contact entre les usagers ou les adhérents, d’un côté, les services ou l’association, d’autre part ?

– Oui : je les pilote jusqu’en salle d’attente et je préviens le technicien avec qui ils doivent travailler. En général, les gens viennent sur rendez-vous, mais parfois l’Association Valentin Haüy, les opticiens LISSAC ou d’autres nous envoient directement du monde, ou encore, des personnes viennent se renseigner sur le matériel adapté. La majorité des informations passe par l’accueil puisque les adhérents et les usagers n’ont pas les adresses électroniques ni les numéros directs, d’ailleurs peu nombreux, des techniciens : presque toutes les communications se font par réseau interne, et c’est moi qui répercute les courriels aux personnes concernées. Au téléphone, c’est souvent moi qui donne les premiers renseignements : je dois notamment expliquer la différence entre l’association et les services, l’orientation préalable par la MDPH, et maintenant la différence entre l’ancien SAPPA et le nouveau SAMSAH. Pour les familles des enfants accompagnés par le SAFEP ou le SAAAIS, en particulier, c’est un travail toujours à recommencer : comme les techniciens se rendent au domicile ou dans les établissements scolaires, certains parents oublient que le service qui aide leur enfant s’appelle SAFEP ou SAAAIS, et qu’il existe grâce à l’Union des Aveugles. Il y a aussi de plus en plus de familles d’origine étrangère, à qui il est difficile d’expliquer les démarches. Parfois même, c’est un interprète qui est au bout du fil.

– Entre les « vrrroute » de la sonnette d’entrée et les « tidoutidou » de la sonnerie du téléphone, quelles sont vos autres missions ?

– Vous oubliez les « padam » d’arrivée des courriers électroniques à répartir, et les messages sur répondeur le matin ! Je gère aussi les commandes de fournitures par internet, et toutes les démarches administratives concernant nos véhicules de service : location, révision, réparation… En particulier, je veille à ce que les voitures ne dépassent pas le kilométrage autorisé par le contrat, ce qui n’est pas le plus facile ! Je gère également une partie du planning des salles, notamment la salle Alain MULLATIER, dont deux postes de travail adaptés sont disponibles quatre matins par semaine, du mardi au vendredi, pour les usagers qui n’ont pas encore internet, ou qui sont en attente de leur matériel. Enfin, je vais tous les jours à la poste, notamment pour les envois en recommandé. De 2002 à 2006, jusqu’à l’arrivée de Nathalie, notre attachée associative, j’ai mis en forme une dizaine de numéros d’Union info. Depuis début mars 2010, j’assure le secrétariat des évaluations que nous confient les Maisons Départementales des Personnes Handicapées du Gard et de l’Hérault.

– Vous avez aussi été la première salariée déficiente visuelle de la FAF-LR, et nous en sommes d’autant plus fiers que vous étiez auparavant une des usagères de notre SAAAIS : comment cela s’est-il passé ?

– Facilement, d’un côté, parce que l’équipe me connaissait ; mais j’ai quand même dû m’imposer pour être considérée comme une collègue de travail, et plus comme une élève. Et surtout, le secteur du handicap visuel étant un tout petit milieu, les choses se savent assez vite, or je ne veux pas qu’on me prenne en exemple : je veux être moi, c’est tout. Bien sûr, j’ai participé au regroupement sur l’orientation des jeunes, et je réponds volontiers aux questions sur mon parcours scolaire et professionnel : l’utilisation de spots jaunes plutôt que du néon ; comment je rédige les courriers en taille 16 ou 18 avant de les réduire pour les imprimer ; comment j’ai adapté moi-même mes icônes et mes fonds d’écran, etc. Mais les détails pathologiques sur la vision des personnes me font souffrir, et ce qui m’intéresse, ce sont les personnes avec leur handicap, pas le handicap en tant que tel. De même, il est très douloureux de répondre par téléphone à la détresse des personnes qui viennent de perdre la vue, ou de leurs proches. Par contre, quand les gens viennent à la FAF-LR, ils sont moins stressés, et j’aime beaucoup les aider concrètement.

– Cette dimension humaine, vous ne l’auriez pas si vous travailliez dans une entreprise ou dans une administration ?

– Non, c’est sûr ! Malheureusement, il arrive que certaines personnes oublient la solidarité associative et le fait que nous faisons de notre mieux pour tous les handicapés visuels de la région, pas seulement pour elles-mêmes. Par exemple, quand j’appelle pour une annulation ou un retard accidentels, auxquels je ne peux rien changer, c’est moi qui encaisse la contrariété des gens. De même, quand elles sont impatientes d’un renseignement, notamment de la part des informaticiens ou des assistants sociaux, certaines personnes téléphonent plusieurs fois par jour, sans comprendre que nous nous occupons de quatre-vingts jeunes et deux cents adultes. Mais beaucoup de monde nous remercie pour notre travail, en passant ou au téléphone. Quelque chose de formidablement gratifiant est d’assister à l’épanouissement des enfants : au fil des mois, ils me connaissent et je les vois progresser. Après leur sortie du service, certains envoient des cartes avec un petit mot pour les rééducateurs, et souvent pour moi… j’en resterais presque sans voix !

Propos recueillis par Bertrand VÉRINE dans le cadre de l’élaboration de l’Union Info.
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