Les psychologues

S’adapter au handicap visuel n’est pas drôle tous les jours. Alors, en plus de toutes les rééducations, pourquoi des psychologues ? Eh bien, justement ! En choisissant Son moment. Celui que j’ai passé avec Marjorie AMADO et Dominique PERPINA a été à la fois chaleureux et passionnant.

– Les « psy », ça fait un peu peur, non ?

– En fait, presque tous les usagers de l’Union demandent à nous rencontrer à un moment ou à un autre. Bien sûr, si on leur demandait de but en blanc « Voulez-vous voir une psychologue ? », ils diraient tous spontanément « Non », parce que ce n’est pas ce dont ils ont besoin dans l’immédiat et parce que, en général, on associe la psychologie aux sentiments cachés qu’on n’a pas envie de laisser découvrir, etc. Mais ce n’est pas du tout de cela qu’il est question à l’Union des Aveugles. Notre travail consiste à faire le point sur l’interaction entre chaque personne handicapée, ses activités de rééducation et son entourage humain, surtout dans le cas des enfants.

– Vous travaillez à la fois avec les enfants et avec les parents ?

– Cela dépend des besoins, mais surtout des moments de la rééducation, et évidemment de l’âge des enfants. Sauf pour les nourrissons, quand un jeune entre dans un des deux services, la famille est d’abord accueillie par notre Directeur, M. PETIT, ou l’une de nos Chefs de service enfants, Mme FINANCE ou Mme NOGUES. La deuxième étape est double : d’un côté, le jeune est reçu par une orthoptiste et une psychomotricienne pour commencer à évaluer sa situation, pendant que les parents rencontrent l’assistant social et une psychologue pour exprimer les besoins de leur enfant. Sur la base de ces contacts, l’ensemble de l’équipe formule un projet de prise en charge qui est ensuite proposé à la famille. A partir de là, l’accompagnement peut commencer, avec ou sans intervention régulière des psychologues selon les situations.

– Comment intervenez-vous auprès des jeunes ?

– Dès qu’ils savent suffisamment parler, l’important est de leur faire mettre des mots sur ce qu’ils vivent, pas précisément le handicap lui-même, mais leur vie avec le handicap. Pour les petits, il faut passer par d’autres activités : le dessin avec ceux qui ont des restes visuels, ou des personnages Playmobil, etc. Par exemple, nous arrivons ainsi à nous rendre compte que certains enfants ayant beaucoup de soins médicaux ont tendance à associer leur mère avec les moments de soin et à s’en détacher dans les autres périodes : nous pouvons alors expliquer le problème à la maman. En cas de maladie évolutive, le moment du passage au braille est souvent un cap difficile dont il faut arriver à parler : cette écriture est un amusement pour ceux qui n’ont pas de problème visuel mais, quand on perd la vue, l’apprentissage du toucher en général et du braille en particulier signifie qu’on va plus mal, et peut donc provoquer de l’angoisse ou du refus. La rétinite pigmentaire, notamment, est très déstabilisante, parce qu’elle procède par à-coups. Un autre exemple, pour les adolescents, est tout simplement le coup de fatigue lié à la surcharge d’efforts pour les études et pour la rééducation : si le jeune dit sa lassitude, certaines activités seront allégées pendant quelque temps.

– Quel est votre rôle auprès des parents ?

– Par exemple, au moment de l’annonce du handicap, beaucoup de parents sont d’abord sidérés et surtout inquiets par rapport à leur propre aptitude à élever un enfant handicapé : parler avec nous les aide à passer ce cap et à reprendre confiance en eux. Nous accompagnons également la famille et l’équipe dans les cas où les médecins n’arrivent pas à déterminer quel est le problème principal entre le handicap visuel et d’autres troubles touchant l’audition, le langage ou la motricité. Parfois, le visuel n’est pas le plus important, mais l’originalité des services de l’Union permet de mieux accompagner l’enfant dans le cadre d’un partenariat avec des spécialistes libéraux ou d’autres structures.

– Et en dehors de ces moments-clés ?

– Il n’y a aucune règle : la seule généralité vraie, c’est qu’avec les personnes handicapées encore plus qu’avec le reste des gens, chaque individu vit sa situation particulière à son propre rythme avec sa famille et son entourage faits de personnes singulières. Par exemple, une maman que nous avions rencontrée à la maternité n’a eu besoin de nos services qu’au moment où son enfant est rentré au Cours Préparatoire.

– Vous parlez beaucoup des mamans, mais les papas dans tout ça ?

– Ils ont un rôle capital pour soutenir les mamans, d’autant qu’ils ont tendance à se projeter davantage dans l’avenir, parce qu’ils ont souvent plus de distance envers leur enfant au quotidien.

– Dominique PERPINA travaille aussi avec des adultes perdant la vue : comment cela se passe-t-il ?

– Pour le moment, ce ne sont que quelques heures par semaine, mais les demandes deviennent de plus en plus nombreuses. Le principe général est le même que pour les enfants : j’interviens surtout lors de l’admission dans le service, puis dans la réflexion de l’équipe des rééducateurs. Les usagers peuvent aussi demander à me rencontrer en cours de rééducation, mais ce sont des séances ponctuelles, et non un travail régulier.

Propos recueillis par Bertrand VÉRINE dans le cadre de l’élaboration de l’Union Info.

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