Le médecin référent

LE MÉDECIN RÉFÉRENT : UN GUIDE POUR LA FILIÈRE DE RÉADAPTATION

Notre Directeur en rêvait, le SAMSAH l’a fait ! Pour les enfants du SAAAIS / SAFEP, il a obtenu de haute lutte quelques heures de conseil d’un ophtalmologiste. Grâce au changement de statut de notre service pour adultes, les techniciens et les personnes accueillies bénéficient désormais, trois demi-journées par semaine, de l’expertise de Bruno RÉMOND. Je l’ai rencontré pour vous présenter cette innovation.

– Quels sont les besoins en ophtalmologie dans notre service ?

– Je ne suis pas ophtalmo, mais généraliste formé à la déficience visuelle, et chargé du suivi médical des réadaptations. C’est ce qu’on appelle la médecine physique de réadaptation (ou de rééducation fonctionnelle). C’est une discipline transversale, dont le but n’est pas de soigner tel ou tel organe, mais la personne dans sa globalité, afin de l’amener à vivre avec son handicap par des stratégies de compensation. Son objectif ne peut pas être de guérir le patient, mais de le soulager ou de l’aider à compenser les séquelles d’une maladie ou d’un accident. Depuis douze ans, je faisais cela à mi-temps à la clinique du Belvédère, mieux connue des personnes handicapées de la vue sous le nom d’institut ARAMAV à Nîmes. L’autre mi temps était consacré à un travail médico/administratif dans une clinique chirurgicale. Désormais, je consacre tout mon temps aux déficients visuels, entre l’ARAMAV de Nîmes et le SAMSAH de l’Hérault.

– Quelles relations avez-vous donc avec les ophtalmos ?

– À l’ARAMAV, j’ai pris la suite d’un ophtalmo, qui s’était lui aussi formé au handicap visuel. Car ce n’est pas leur spécialité de départ. Leur domaine officiel est l’œil et ses pathologies. Notre domaine à nous est la personne handicapée de la vue. Bien entendu, je lis et j’intègre à notre travail les dossiers transmis par les ophtalmos, qui me sont indispensables. Je viens d’écrire à tous ceux de l’Hérault afin de me présenter comme un nouvel interlocuteur, d’attirer leur attention sur le passage du SAPPA au SAMSAH et de leur rappeler l’intérêt de notre service pour ceux de leurs patients qui perdent la vue. Mais je compte surtout sur les relations que je vais établir avec chacun à propos de tel ou tel usager. J’essaie le plus souvent possible de le faire par téléphone pour personnaliser davantage le contact.

– Pourquoi avons-nous tant de mal à faire reconnaître le travail de la FAF-LR par les médecins spécialistes ?

– Comme vous le savez, ils ne sont pas assez nombreux et, donc, manquent cruellement de temps. Or, pour comprendre les besoins spécifiques d’une personne amblyope ou en train de perdre la vue, il faut du temps, notamment pour l’écouter, car chacune a sa problématique particulière. De plus, l’orthoptie du reste visuel ne s’est développée que depuis trente ans, et reste mal connue (cf. Union Info n° 51). Dans le Gard, le Docteur DUPEYRON organise régulièrement des conférences spécialisées à l’ARAMAV, ce qui permet de faire connaître les locaux et les activités. Dans l’Hérault, c’est un travail de longue haleine à entreprendre, car il est difficile pour un médecin d’admettre qu’il ne peut pas guérir son patient et qu’il doit passer le relais aux rééducateurs en vue d’un accompagnement différent, mais tout aussi crucial.

– Revenons au SAMSAH. Comment intervenez-vous auprès de nos usagers ?

– Je les reçois pendant trois quarts d’heure à une heure dans le cadre de leur admission : c’est une nouvelle étape, à côté de leurs entretiens avec le chef de service, la psychologue et l’assistante sociale. Cela me permet de faire le point sur leur dossier, donc l’histoire de leur pathologie et leur état visuel du moment, mais aussi d’autres traitements ou problèmes de santé : certains peuvent être liés au handicap visuel, comme le diabète, par exemple ; d’autres n’ont aucun rapport avec les yeux, mais peuvent avoir des conséquences sur le programme de réadaptation. En tant que confrère, je peux contacter l’ophtalmo, le médecin de famille ou un autre spécialiste, si des précisions sont nécessaires pour le service, et dans le respect du secret médical.

– Et pour la personne elle-même ?

– Chacun peut, bien entendu, prendre rendez-vous avec moi s’il en a besoin. Je peux répondre à des questions que la personne n’a pas posées à son médecin, faute de temps ou parce qu’elle n’y a pas pensé sur le moment. Je peux réexpliquer des points compliqués en prenant soin de traduire le jargon médical. Je peux rassurer sur les chances de réussite d’une opération, pour la cataracte par exemple. Si le cas se présente, je peux même aider le patient à mieux formuler un besoin à son médecin traitant.

– Quel est votre rôle après l’étape d’admission ?

– Depuis six mois, je n’ai évidemment pas pu intervenir dans le suivi ou l’évaluation, et encore moins dans les fins de prise en charge ou les sorties du service : nous allons construire cela progressivement. Mais je participe aux réunions hebdomadaires des rééducateurs, je travaille régulièrement avec les orthoptistes et, ponctuellement, avec n’importe quel rééducateur qui me le demande.

– Le Cours d’Adaptation Pour Personnes Aveugles, ancêtre de notre SAMSAH, a été imaginé par Louis GRAVIÉ pour prendre le relais des centres de réadaptation lors du retour de la personne à son domicile. Aujourd’hui, nous avons signé une convention avec l’ARAMAV, et vous travaillez vous-même dans les deux structures : comment concevez-vous leur complémentarité ?

– C’est un grand atout pour les déficients visuels de notre région, car cela donne la possibilité d’articuler les deux démarches de manière très souple. Certaines personnes qui perdent la vue ne sont pas prêtes à assumer tout de suite la réadaptation à temps complet que propose l’ARAMAV, parce qu’elles ne supportent pas l’idée du handicap, ou parce qu’elles ne reconnaissent pas toutes les difficultés qu’entraîne la déficience. Il leur faut un cheminement qui prend du temps, et le SAMSAH peut les amener progressivement vers cette décision. Par la suite, il peut les aider à transposer dans leur environnement quotidien les stratégies de compensation qu’elles ont acquises à l’ARAMAV. D’autres personnes ont seulement besoin d’un séjour de réadaptation, et d’autres seulement d’un accompagnement par le SAMSAH. Quand il faut les deux, l’expérience prouve que l’existence d’un SAMSAH permet presque toujours d’écourter le séjour en établissement.

– Que répondriez-vous si, par exemple pour des questions d’économie, l’administration envisageait de supprimer l’une des deux possibilités, comme c’est le cas pour les internats en écoles spécialisées ?

– Ce serait un contresens dramatique. Même si le SAMSAH propose toute la palette des réadaptations, chaque usager en privilégie une ou quelques-unes, qui répondent plus directement à ses besoins, alors qu’à l’ARAMAV, il s’immerge à temps plein dans un programme global et systématique. Ce sont vraiment deux stratégies complémentaires. Pour un grand blessé de la route, après l’opération, les traumatologues et les chirurgiens pensent naturellement au centre de réadaptation, puis viennent les soins à domicile et enfin le cabinet du kinésithérapeute. Pour la déficience visuelle, il faut absolument faire entrer dans les mœurs l’idée de parcours de soin, ou de filière de réadaptation.

Propos recueillis par Bertrand VERINE

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